Jean-Daniel Cauhépé et A.Kuang

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Les auteurs de "La métamorphose de la violence par l'art de Sumikiri®" nous parlent de la violence, de leur vision de l'enseignement, et nous apportent quelques précieux éclairages sur les références métaphysiques employées par le fondateur de l'Aïkido.

Jean-Daniel Cauhépé, A. Kuang, au sein de votre école de Sumikiri®, vous enseignez le Boryoku No Henbo, soit littéralement la "métamorphose de la violence en soi". Quel constat vous y a conduit ?

JDC et AK: La violence apparaît dès que l’individu est inquiété par des présences qu’il perçoit comme hostiles. L’expression physique de la violence n’est q’un des aspects du problème. Elle a également une dimension énergétique (liée à un organe selon la conception chinoise), mais aussi génétique, sociale ou culturelle. La vie actuelle, surtout celle des citadins, contribue à générer angoisse, crainte, peur. Cela induit un comportement agressif, sous diverses modalités : comportementale, verbale, physique. Dans les domaines familial, social et professionnel, la promiscuité, l’influence pernicieuse des médias, la compétition économique, exacerbent les oppositions. Par exemple, nous avons été frappés de la violence des termes utilisés par les commentateurs des compétitions d'arts martiaux lors des jeux olympiques de Sydney. C’est ahurissant, le combat devient une mise à mort dans l’arène!

Aujourd’hui, rien dans l’éducation n’est entrepris pour apaiser les êtres, et la perte globale du sentiment religieux ne fait que renforcer le problème.

Ce qui fait donc l’agression, c’est le transfert sur autrui de la peur, de l’informulé, du non-réalisé. Certaines pratiques orientées permettent de juguler la violence, qui demeure néanmoins sous-jacente. Pour être efficaces, elles doivent tenir compte de notre nature paradoxale qui est à la fois profondément déviée mais fondamentalement bonne. Selon les pères du Taoïsme, nous pouvons nous retrouver en empruntant la Voie naturelle, par une ascèse. Les arts martiaux bien compris sont une ascèse.

La pratique de l’art martial devrait être une tempérance progressive de la violence. L'abandon de la technique destructrice vers la maîtrise de soi, permet d'emprunter la "voie du Guerrier". Le Budo se révèle être une voie ascendante sur le plan métaphysique. Sans transcendance, il ne peut y avoir de véritable art martial.

Voie rarement empruntée, exigeante et si fragile qu'elle laisse place à toutes les illusions et à tous les mensonges…Dans un de nos ouvrages, nous attirons l'attention sur les différents dévoiements du Do. A titre d'exemple dans les arts martiaux, contrairement à ce qui est communément dit, ce n'est pas en épuisant notre capital de violence ou en perdant notre force physique avec l'âge que nous rencontrerons la sagesse! Quant aux élèves, rares sont ceux qui sont prêts à donner, à se donner et non à prendre…

Selon vous, la transcendance est indispensable pour répondre au problème de la violence. Nous voilà donc aux prises avec le Mystère…Un enseignement, et à fortiori le vôtre, peut-il y conduire ?

L’art de Sumikiri® est un ensemble de techniques qui ne sous-entend pas forcément l’ouverture à la transcendance ; nous avons droit à l’action, pas à ses fruits. Mais si le travail est pratiqué avec régularité, honnêteté et conscience, il est possible alors de créer dans le "mouvement juste" une "Ouverture". La voie corporelle n’est pas celle de l’ajout, mais du dépouillement. Elle nous élague, et " Cela " peut alors descendre. Mais n’attendons pas de remèdes miracles. L’art de Sumikiri® tomberait dans une dérive sectaire si on prétendait à des résultats garantis. Il doit être considéré tel une ouverture, une direction vers une profondeur, sans imposer de finalité. Et pourtant, dans la mesure où il est une Voie, n’importe quel être en marche peut y rencontrer la transcendance. En ce sens, il y a dans l’art de Sumikiri® une efficience, une possibilité de métamorphose. On essaie consciemment de spiritualiser la matière et matérialiser l'esprit, dans le respect de l'enseignement et du message et de Morihei Ueshiba.

La violence, dans cette optique, est-elle à bannir totalement ?

Pas nécessairement. Une authentique destinée étant la réalisation de qualités et capacités latentes, elle se trouve obligatoirement placée sous le signe de la violence, dans le sens qu'aucune ½uvre n'a jamais été accomplie sans le concours d'une action fougueuse sur soi et sur les autres, que ce soit sur le plan artistique, politique, social ou religieux. C'est une sainte violence qui anime les âmes passionnées. "Le Royaume des Cieux souffre violence et les violents le prennent par force" (Mat. XI.12)

Vous parlez du respect du message de Morihei Ueshiba. Quel est ce message, et qu'en reste-t-il aujourd'hui ?

Rappelons-le encore et toujours, O'Sensei a extrait progressivement de leur gangue féodale des techniques guerrières destructrices, pour n'en garder que les gestuelles au service de la Compassion et du respect de l'autre. C'est à ce niveau de compréhension que le terme Kokoro - lit. C½ur ou Âme -, auquel Morihei Ueshiba faisait référence en permanence revêt sa profonde signification. Kokoro représente la centralité de l'être, qu'il ne faut pas confondre avec le hara, centre physiologique sur lequel il s'appuie. Il possède une dimension spirituelle. Le sens diffère selon que l’on écrit l’idéogramme ou que l’on prononce le mot. Cette subtilité permet la création et l'évocation de multiples nuances, parmi lesquelles, Kokoro wo kubaru : donner, offrir son c½ur, Kokoro wo kumu : puiser dans les c½urs, Kokoro womagiwasu : unir, relier les c½urs.

De cette compréhension découle la notion de "aï" mise en exergue par Ueshiba. Il est intéressant de relever l'évolution des différents idéogrammes "aï" utilisés par le Maître pour nommer son art au fil de sa vie. Il est passé de celui "d'association", du temps de l'Aiki-Jitsu, à celui de "d'harmonie", dans le sens de l'unité de l'homme et de l'Univers, pour aboutir à celui qui recouvre de multiples sens : Soif, Attraction, Désir, Ferveur.

Simultanément, dans la terminologie de la pratique, le terme " couper " est devenu " dévier l’attaque dans l’instantanéité de l’action ". Tous les restes d’une défense " contre " étaient éliminés, l’enseignement reposant essentiellement sur la notion de paix terrestre et d’un ordre harmonieux, d’où l’attribution d’une fonction pacifiante, cosmique à l’Aïkido.

A ce propos, citons Morihei Ueshiba : " si vous ne comprenez pas cet enseignement et n’employez l’Aïkido que pour combattre, vous n’obtiendrez jamais son secret."

Cette voie corporelle qu'est l'Aïkido est une rencontre, à travers le temps et l’espace, avec son génie. Aujourd’hui, trente ans après sa disparition, alors qu'il n'est pratiquement plus fait référence à lui, même à l'Aïkikai, il nous faut, pour renaître, établir un dialogue avec lui, sans idolâtrie. Sur le plan symbolique, l’art de Ueshiba a évolué au cours des années, passant du carré terrestre (force musculaire, dualité), au cercle (attestant la primauté du ciel), l'homme composant le triangle intermédiaire. C'est le sens de la formule que nous avons reprise pour caractériser notre enseignement et tenter de perpétrer son message (encadré).

Quels sont les caractéristiques de cet enseignement ? Quelles réponses concrètes à la violence peut-on y trouver ?

Le pratiquant de Sumikiri® réalise des gestuelles simples, qui sont à l’origine de quelques attitudes mentalisées, permettant d’agir dans le juste instant, sans aucune fixité, sans aucun blocage. Nous disposons d’un ensemble de techniques respiratoires, sonores et gestuelles qui nous permettent de nous mouvoir dans ces différents plans. S’ouvre ainsi une autre dimension, à l'écoute du rythme et de la vibration en soi, et en l'autre. Cette joie naît de la non-violence, sans preuve, sans notion de victoire, de réussite, d’abandon, ou de peur de l’échec.

Nous avons recours à des pratiques de visualisation d'origine taoïste telles que l’identification au végétal, pour n'en citer qu'une. Nous développons l'appréhension, tant en statique qu’en dynamique, d’un certain nombre d’exigences, leur application se réalisant à travers les principes de l’Aïki. L'exigence principale consiste à considérer autrui non comme un adversaire mais comme un partenaire. La force musculaire est progressivement abandonnée au profit du non-agir : autrui est l’unique dispensateur de la force. Quant il n’y a pas de vent, il n'y a pas de vagues. Par ses actions et réactions, le dispensateur d’énergie se place de lui-même dans des attitudes de déséquilibre ou de sollicitation articulaire et mentale qui lui sont défavorables. L’éducation corporelle et psychique tendant vers le non-agir amène l'étudiant de Sumikiri® à pratiquer le Bôryoku no Henbô®, c'est à dire à devenir un centre, un axe pacifié autour duquel vont et viennent incessamment les "éléments", c'est-à-dire les pensées et actions des partenaires.

Ce travail de l'imaginaire lié aux éléments de l'imagerie alchimique (compris comme états de conscience, à ne pas confondre avec leur réalité concrète) est associé à des expressions phonémiques qui orientent et affirment les actions (kototama). Centré sur son carré de paix terrestre, le pratiquant de Bôryoku No Henbô® laisse l’élément Eau neutraliser, éteindre les feux adverses qui l’entourent. Ce concept de non-agir est le prélude du Shobu aïki (*). Incompréhensible pour beaucoup, cette synthèse remarquable vécue par Ueshiba sur ses vieux jours exprimait parfaitement ses valeurs de non-attachement, compassion, et sauvegarde de son prochain.

Je souhaiterais avoir votre opinion sur quelques points de la pratique. Pouvez-vous nous parler du travail des armes ?

Les armes ne sont pas indispensables, l’arme, c’est l’Epée de Fudôô-Myô et de Susanô-wo, références de la démarche ésotérique de Maître Ueshiba (encadré). Cela dit, le bâton est un excellent moyen d’expression car il matérialise la sphère dans laquelle l’homme est inscrit. Dans l’art de Sumikiri®, nous utilisons l’art du drapeau chinois : le bâton tournoie autour d’un centre qui lui-même se meut, et à la périphérie de cette sphère se réalise l’action tangentielle. Le bâton préfigure l'union des contraires et la réconciliation. Le bâton, symbole de paix, d'organisation (axe du monde) autour duquel girent le yin et le yang, les équilibre. Bâton de Mercure, il peut conjurer le poison de la violence par des "paroles" apaisantes et justes. Quant au boken, l’art de Maître Ueshiba n’est pas fait pour couper les poignets ou percer la gorge, mais pour faire comprendre avec plus d’intensité qu’à mains nues les notions de ma-aï (distance) et de sen no sen (instantanéité dans l’action).Il n’est donc jamais question de trancher ou piquer, mais de déséquilibrer mentalement l’autre, après avoir pénétré le centre (irimi), afin de le désarmer mentalement ou physiquement. Le bâton et le sabre sont le prolongement du bras, au même titre que l’éventail ou le fusain, comme disait Ueshiba. Dans notre pratique, l’index et le majeur sont accolés pour orienter les flux énergétiques (physiques et mentaux) du partenaire. En réalité, ils forment l’épée à double tranchant de Fudôô-Myô.

Vous semblez porter un intérêt particulier à la symbolique du travail du sabre…

Maître Ueshiba a toujours utilisé le terme d’épée, et non pas celui de sabre. Dans le langage alchimique, l’Epée est synonyme d’acier et couper signifie "cuire", soit faire passer la matière par toutes les couleurs de l’¼uvre. " Fure, Fure ", soit " remuez, remuez ! ", disait O'Senseï. Ainsi, on ½uvre sur soi-même et sur l’autre. L'Epée est faite pour morceler l'ignorance et libérer la connaissance, la connaissance secrète de l'art vibratoire. L'Epée ambivalente n'est pas faite pour tuer mais pour décomposer et dissocier les éléments en l'homme, selon les lois de l'Art : "séparer le Pur du Vil, le Fluide de l'Epais", de façon à les rassembler en un nouvel agencement pour les ressusciter en un homme nouveau. Le Fondateur précisait à ce sujet : " Nous devons chasser les démons avec la sincérité de notre souffle, et non avec une épée "

Vous affectionnez l'imagerie alchimique…

L'Art légué par maître Ueshiba est une alchimie ! Il utilise les référents communs à l'Alchimie, que celle-ci soit chrétienne, taoïste, bouddhiste… Pour des raisons culturelles, je suis effectivement lié à la tradition alchimique chrétienne. A ce titre, j'utilise souvent cette symbolique dans mes propos.

Dans la perspective alchimique, le Grand ¼uvre est l’art de comprendre la genèse des mondes afin d’en créer naturellement à l’échelle microcosmique. C'est le couronnement du savoir et de la compréhension. C’est l’application de cette conception spirituelle ramenée sur le plan physique qui amène l’artiste à réaliser la transmutation des métaux, ou démons (gui en Chine), l’expiration du " je " allant de pair avec le processus du Grand ¼uvre. Les procédés physiques et autre techniques ne peuvent être considérés que comme des moyens qui ont pour but d’assouplir le mental. Dans le grand ¼uvre, l'opérateur et l'opéré, le transmutateur et le transmué ne font qu'un. Comme vous pouvez le constater, Maître Ueshiba n'a pas parlé d'autre chose…, mais comme le sujet est vaste et sérieux, je vous propose d'expliciter ceci dans un prochain article.

Rendez-vous est pris, mais revenons à notre sujet. Qu'en est-il de l'efficacité martiale ?

(rire) Elle consiste à éviter le combat ! Les anciens arts martiaux sont liés à un système féodal fondé sur l’esprit de destruction. Synthétisée par le tableau de Ogen (voir encadré), une autre voie existe pourtant et seul Maître Ueshiba l’a vraiment réalisée. L’efficacité n’est absolument pas en opposition avec la notion d’harmonie. L’efficacité, c’est créer le vide, le non-agir, la non-action, et c’est aussi un état de paix rayonnante, une émanation par les souffles mentaux. C’est en ce sens le véritable pouvoir du ki, qui est tout différent des démonstrations de pseudo pouvoir. La véritable efficacité réside dans la justice, dont les symboles sont l'Epée et la balance. Ceci est particulièrement perceptible dans la pratique du jo, lorsque deux partenaires saisissent chacun une extrémité du bâton qui les unit à un centre vide. Les entraînements primaires du type Jujutsu, Aïki-jutsu et autres pratiques axées sur la défense contre autrui sont préludes à la démarche instinctive de tout individu cherchant à se défendre. Dans les disciplines martiales, l’acquisition d’une panoplies de techniques et leur application basique sont certifiées, notamment en Aïki, par le 3e dan. Mais, à partir de là, si le niveau de conscience du pratiquant n’évolue pas, il perd son temps ! Certains abandonnent, d’autres se posent des questions, d’autres se caricaturent. Pour aller plus loin, il faut tenter de créer le vide régénérateur, abandonner les pouvoirs, grades, notoriétés. Là commence véritablement le travail de métamorphose, celui de l’alchimie interne et de l’authentique art de longue vie. C’est la découverte que la peur de l’autre, c’est la peur de soi-même. Lorsque l’individu a découvert sa propre nature, il n’a plus peur.

Je vous ai vu pratiquer en musique des aïki-taïso…

Les aïki-taïso dont Koichi Tohei nous à révélé le sens juste, sont des pratiques qui doivent être justement mentalisées, afin d’effacer l’effet " marionnettes " des imitations gestuelles souvent constatées. Pour nous, ce ne sont plus des mouvements articulaires mais souffle mental et corporel. Nous les appelons exercices callisthéniques. Callisthénique signifie "force et beauté" et caractérise parfaitement la voie corporelle dans laquelle il ne peut y avoir efficacité sans beauté, ces deux valeurs étant soumises à une moralité exigeante. Chaque exercice possède son rythme propre. Leur pratique permet de découvrir notre chant intérieur. Ensuite, librement et naturellement, nous les assemblons, l'adversaire devient un partenaire, l'unité en nous-même et avec l'autre s'accomplit. Nous sommes loin de la technique, nous réalisons un "mouvement univers". Nous entrons dans le jeu des potentialités énergétiques, selon le Yi-King, et comme le disait Maître Ueshiba, "la danse des dieux peut commencer" .L'un des partenaires est le maître du Temps, il chante l'Eternité. L'autre, maître du Temporaire chante l'instant qui passe. De la sorte, le défi est un "duel" musical, car l'art de Sumikiri® est essentiellement musical. Quand, par la répétition de mouvements simples, de rythmes fondamentaux, de phonèmes appropriés nous avons apprivoisé notre être intérieur, l'esprit de Compassion pour tous les êtres vivants peut apparaître.

Comment évaluez-vous les élèves qui suivent votre enseignement ? Pouvez-vous attribuer des "grades d'Ouverture" ?

Nous graduons par rapport aux symbolisme du carré, du triangle et du cercle, sachant que notre pratique peut aisément involuer. Il n’y a pas d’acquis permanent, il y a des états fluctuants, on peut régresser soudainement. C’est pourquoi il n’y a pas de graduation "dan" dans notre enseignement. De plus, les dan augmentent l’ego au lieu de le diminuer, exacerbent le moi et les rivalités. Le but de la pratique n’est pas l’acquisition d’un pouvoir quelconque, ce qui nous différencie de certaines pratiques où l’on annonce clairement la couleur. Il vaut mieux être à l’entrée de la Voie en ayant faim et soif que d’être avancé et de détenir un pouvoir (puissance, argent…), qui alourdit l’individu.

Je souhaiterais vous poser une question plus générale. Quels rapports, s'ils existent, unissent l'Aïkido tel que vous le concevez par l'Art de Sumikiri®, et le Taoïsme ?

Celui qui pratique correctement le Bagua Zhang, le Taiji Quan, ou tout art taoïste (Qi Gong, DaoYin) fait de l’Aïkido au sens littéral du terme. Il n’y a pas de différence de nature, ni de pratique. Le plus profond du Tao, c’est d’effacer ses traces, d’être le plus léger possible. Dans l’art de Sumikiri®, nous nous efforçons d’être le plus léger possible, sans traces. C’est une création de l’éphémère, et c’est pour cela qu’elle peut être durable. Toutefois, il existe une différence avec les voies taoïstes, c’est l'aspect de voie sociale. Le Tao, dans son essence, ne dédaigne pas les voies sociales, mais lorsqu’on est dans le Tao, les choses s’opèrent naturellement, l'altérité est toujours gratifiante. Dans notre monde, il en est autrement ! L'Art de Sumikiri® met l'accent sur l’autre, alors qu'en général, les méthodes taoïstes sont des pratiques souvent solitaires, une manière de se centrer, exception faite des tui-shou trop souvent délaissés. Comprenez bien qu'il ne s’agit pas là d’une critique, mais d’un constat de différenciation. L’Art de Sumikiri® est un jeu subtil "corps/esprit, soi-même/autres". Si on pratique bien l’Aïkido, on ne peut détester son prochain. On apprécie l’autre quelle que soit sa race, sa typologie, sa morphologie. On accepte l’autre avec ses émanations physiques et mentales. C’est une éducation à l’autre au-delà de l’analyse, un immense champ d’ouverture, de progrès, de tolérance et d’acceptation.

Les arts taoïstes correspondent particulièrement à l’esprit chinois, dans le sens où il n’y a pas besoin de souligner la dimension sociale, car celle-ci est inclue dans le tissu culturel. Quand on pratique les arts taoïstes en Occident, on n’importe pas le tissu culturel asiatique. Dans cette perspective, la pratique risque la dérive ou l’appauvrissement. L'Art de Sumikiri® possède de fortes résultantes sociales, c'est même un des fondements de notre enseignement. Au-delà de la mise en scène convenue du tatami, il faut appliquer les fondamentaux de notre pratique à tous les domaines de notre vie, sociale, professionnelle, affective et familiale.

Enfin, par souci d'honnêteté, n'oubliez pas que Morihei Ueshiba a fait un trait d’union entre Extrême-Orient et Occident. Sans l’apport de la culture et de la façon de penser occidentales dans sa démarche, il n’y aurait pas eu cet effort de recherche, d’analyse, en bon sens du terme. Ueshiba a ouvert un pont au niveau universel ; il a cassé son armature culturelle première pour s’ouvrir à tous.

Pour terminer, pouvez-vous nous énumérer quelques valeurs fondamentales pour réaliser en soi la métamorphose de la violence ?

Evacuer les tensions physiques et psychologiques de manière à concevoir la Discipline non comme une méthode de self-défense, mais comme un procédé antistress, de maîtrise individuelle et de longue vie harmonieuse. Favoriser et cultiver une recherche permanente de l'esthétique dans la gestuelle. Eradiquer les réactions brutales, tant physiques que mentales, abandonner toute vélléité d'agressivité et éviter les techniques dangereuses. Développer un comportement moral et social, dans le respect de son prochain. Pour terminer, appréhender la pratique telle un jeu, dont le but exclusif et d'éveiller et faire éclore notre maître intérieur.

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(*): Shobu aïki : "Voie de la sagesse par l'étude et la compréhension de l'aïki", c'est ainsi que le Maître Ueshiba désignait son art sur ses vieux jours.

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Source : http://www.sumikiri.com